Nouveaux contenus, proximité avec le lectorat, recrutement et nouvelles stratégies économiques, la presse quotidienne régionale tente de se dépêtrée de la crise dans laquelle elle est engluée depuis plusieurs années. Comment insuffler un nouvel élan à la PQR qui reste, aujourd’hui encore, la presse la plus imprimée sur le territoire Français ? Delphine Noyon, Sarah Binet et Franck Bousquet ont tenté de répondre à cette question le 25 mars dernier, lors d’une conférence à l’EPJT.
Une crise, surtout, qui a conduit de nombreux titres régionaux à organiser des plans sociaux de licenciements, ou de départs volontaires, pour alléger leur masse salariale. Ce fut par exemple le cas du Midi Libre et de La Voix du Nord, en 2022, ou, plus récemment, de La Montagne en 2024.
En cause, notamment, l’augmentation des coûts de fabrication et de diffusion des journaux papiers (+79 %) entre 2022 et 2024. Elle se répercute évidemment sur le prix de vente des journaux.
Les titres de PQR doivent également en grande partie leur survie aux subventions de l’État. En 2023, le ministère de la Culture leur accordait 1,4 million d’euros. Dans ce contexte, la presse quotidienne régionale cherche des solutions pour durer et surtout, se renouveler.
Lors de la conférence, nos trois intervenants, Delphine Noyon, Sarah Binet et Franck Bousquet, que nous avons eu la chance d’accueillir sur site, sont d’abord revenus sur ce qu’était, selon eux, l’ADN de la PQR. Pour Franck Bousquet, chercheur à l’université de Toulouse 3, il ne faut surtout pas oublier que « la PQR a pour objectif de s’adresser à tout le monde sur un territoire donné ». Pour lui, un titre de presse quotidienne régionale, se compose depuis toujours « d’une information miroir, d’une information service et de faits divers ». Et il insiste sur le fait qu’il « est important de conserver cet ADN, notamment parce que la PQR reste le modèle le plus tiré en France ». Cet ADN participe grandement à l’ancrage d’un titre de presse sur son territoire pour en faire une marque.

Pour Delphine Noyon, rédactrice en chef adjointe à La Nouvelle République, l’ultraproximité doit être le principal cheval de bataille de son journal. Photo Arthur Charlier/EPJT
Une chance pour Franck Bousquet : « La chance et la force de la PQR c’est que, sur un territoire donné, tout le monde connaît le titre de presse. C’est ce qui fait dire aux investisseurs que la PQR reste une marque sur laquelle il est possible de capitaliser. »
Une donnée très importante pour Sarah Binet, journaliste à La Voix du Nord, mais également pour Delphine Noyon, rédactrice en chef adjointe à La Nouvelle République. Celle-ci précise que le choix du quotidien de la région Centre-Val de Loire est de « conserver l’ultraproximité du journal avec son lectorat » comme principal cheval de bataille. C’est, pour elle, ce qui fait l’essence du journal.
Une transition vers le web indispensable
Pour se renouveler, les quotidiens de presse régionales axent principalement leur nouvelle stratégie de développement sur la diversification des contenus. Cela notamment, pour s’ouvrir à une nouvelle cible, un nouveau lectorat, plus mobile, plus jeune. « Avec notre présence sur le web, on observe un léger rajeunissement de notre audience. Ce n’est pas énorme, mais on le remarque. On considère aujourd’hui que le papier ne s’arrêtera jamais. Donc, il faut que l’on s’adresse à tout le monde sur les deux supports », insiste Delphine Noyon. Pour Sarah Binet, « la présence sur les réseaux sociaux permet aussi de toucher un public plus jeune et de les habituer à nous trouver un peu partout sur le territoire. »
Pour autant, la transition vers le web est aujourd’hui indispensable pour la survie des journaux de presse écrite. « En PQR, le lectorat papier ne se renouvelle pas et le lectorat numérique payant est moins important qu’en PQN », insiste Franck Bousquet. Ainsi, l’ensemble de la PQR ne peut faire l’impasse sur la création de nouveaux contenus sur le web. Des contenus divers et variés qui ne peuvent pas seulement être une copie des articles du print explique Sarah Binet.

Franck Bousquet chercheur à l’université de Toulouse 3, est entouré des journalistes Delphine Noyon et Sarah Binet, ancienne étudiante de l’EPJT. Photo : Arthur Charlier/EPJT
« Il est impensable aujourd’hui de rester sur un seul format par article. On doit diversifier nos contenus et trouver la meilleure façon de les adapter pour la meilleure plateforme. Mais on a besoin de bras et de personnes qui savent tout faire, et ce n’est pas évident. À La Voix du Nord, nous produisons énormément de vidéos, mais pas que. Nous essayons, à chaque fois, de réfléchir à un contenu adapté à l’information sur le web ».
Car les trois intervenants s’accordent sur le fait que la présence des quotidiens de presse écrite régionale ne doit pas devenir un prétexte pour produire sans réfléchir. Les contenus proposés doivent correspondre à chaque territoire. « À La Nouvelle République, les podcasts ne sont pas forcément les formats qui font le plus d’audience », constate Delphine Noyon. Au contraire de La Voix du Nord où les podcasts fonctionnent plutôt bien.
Se rapprocher du public
La Voix du Nord a mis en place une toute nouvelle stratégie pour s’adapter et se rapprocher de son public. Cela s’appelle la formule ADD (aide à la précision par la DATA). « Cette formule permet de travailler uniquement pour les abonnés avec, chaque jour, un tableau de statistiques qui nous indique précisément ce que lisent nos abonnés. Cela nous permet de proposer des formats plus adaptés à nos abonnés », décrit Sarah Binet.
Des formats qui permettent de se rapprocher des abonnés, c’est bien mais attention ! Delphine Noyon met en garde : il ne faut pas non plus tomber dans l’extrême inverse. « Il faut faire attention lorsqu’on écoute les publics. Souvent, ils réclament des contenus de proximité, de service ou un peu plus originaux. Mais, dans la réalité, ce qu’ils lisent le plus, ce sont les faits divers. Et ça, ils ne le déclarent pas forcément lorsque nous allons à leur rencontre. »
D’autres médias vont même plus loin, avance Delphine Noyon, pour moderniser leurs contenus et se rapprocher de leurs publics. « À Nice Matin, par exemple, la rédaction a récemment fait appel à des influenceurs, spécialistes de certaines thématiques, pour traiter de certains sujets. Mais il faut que tout le monde reste dans son rôle. »
Une chose est certaine pour le chercheur comme pour les deux journalistes présents à la conférence, l’univers de la presse écrite imprimée, malgré les crises qu’elle connaît, ne peut disparaître.