Les Débats de l’EPJT, le cycle de rencontres organisé par les étudiants-journalistes de l’École publique de journalisme de Tours, ont ouvert leur saison 2014-2015 le jeudi 25 septembre, avec pour invitée la journaliste Ariane Chemin.
« De l’Élysée aux comptes Facebook, les sources du journalisme en 2014 ». Le thème retenu par les étudiants de l’Ecole publique de journalisme de Tours a permis à la journaliste Ariane Chemin, grand reporter au quotidien Le Monde et auteure de nombreux livres d’enquête (Les Strauss Kahn, La Femme fatale, La Nuit du Fouquet’s…), de partager son expérience. Si elle-même n’a pas étudié en école de journalisme – elle a trouvé sa voie lors d’un stage au Monde – c’est avec un plaisir non dissimulé qu’elle a livré son expérience aux futurs professionnels dont elle a salué les excellentes conditions de travail : « Vous avez la chance, ici, de pouvoir vous former à tous les médias ! »
Pigiste pendant sept ans au Monde à ses débuts, Ariane Chemin aura notamment couvert l’élection présidentielle 1995, avant d’intégrer le service politique de « son » journal, puis de suivre la campagne de Lionel Jospin en 2002. Après sept années de politique, Ariane Chemin exercera tour à tour au service faits divers et informations générales, puis au service des reporters. Mais elle n’oubliera pas de mentionner son passage de trois ans au Nouvel Observateur. Une expérience qui lui a permis de voir le journal d’Hubert Beuve-Méry autrement, de ne pas oublier « que l’on existe par le support et la maison pour laquelle on travaille ». Finalement, dit-elle, « je suis partie pour mieux revenir ».
Méthodes d’investigation
Les organisateurs de la conférence (Brice Bossavie, Kevin Verger, Rodolphe Ryo et Thomas Rideau), tous étudiants de deuxième année à l’EPJT, avaient sélectionné deux articles d’Ariane Chemin, afin d’éclairer le travail journalistique nécessaire à leur réalisation.
Pour le premier, « Quartiers nord de Marseille : leur meilleur profil » , qui rend compte de l’importance de Facebook chez les jeunes des quartiers difficiles, la journaliste a décrit un travail de source différent, en expliquant comment elle a eu recours au réseau social pour son travail d’investigation. Plusieurs questions ont été abordées, comme « qu’est-ce qui peut pousser un journaliste à ne pas donner un nom dans un papier ? » ou encore « en quoi les nouvelles sources ont changé la façon de réaliser une enquête ? » Pour Ariane Chemin, le téléphone portable, l’éclosion des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.), ou des outils comme la banque de données de l’INA ou bien Google Books ont incroyablement fait évoluer les pratiques journalistiques.
Pour le deuxième article, intitulé « Nuit blanche à l’Elysée », Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué (aussi reporter au Monde) ont tenté de reconstituer la « gestion de crise » au palais présidentiel, à la veille de la parution du numéro de Closer révélant « L’amour secret du président ». Pour cela, les deux journalistes devaient avoir la confiance des hommes de pouvoir témoins de la scène.
L’occasion pour Ariane Chemin d’abordé la notion de « désourçage », qui permet de raconter un événement grâce au témoignage de sources proches d’un dossier sans trahir ces mêmes sources, sans qu’il soit possible de savoir d’où vient l’information. Mais attention, rappelle la journaliste, il faut toujours prendre du recul vis-à-vis de ses sources, toujours les multiplier, les croiser. Quant à son lien avec les personnalités politiques notamment, elle indique : « Il y en a forcément certaines qu’on trouve plus sympathiques que d’autres ; mais on ne va pas dîner chez eux non plus. »
Être journaliste politique, c’est à la fois « épuisant » et « tellement fascinant », livre Ariane Chemin, qui se garde de toute implication dans les débats. Et de citer l’ancien directeur de publication du Monde, Érik Izraelewicz : « Il ne faut pas être journaliste politique parce qu’on aime la politique, il faut l’être parce qu’on aime le journalisme. »
Journaliste en dehors de son journal
En plus d’être reporter au Monde, Ariane Chemin a co-écrit plusieurs ouvrages. La femme fatale, sur la campagne présidentielle de Ségolène Royale, La nuit du Fouquet’s, et Les Strauss-Kahn. Avec, chaque fois des « faits ou détails qu’on ne peut pas forcément mettre dans les pages d’un journal ». Pour des raisons matérielles, mais également, parfois, éditoriales. Le choix de l’édition n’est donc pas sans avoir soulevé quelques débats au sein de sa rédaction.
La conférence a aussi permis de revenir sur l’évolution du journalisme sur le web : « On peut passer trois semaines sur une enquête et s’apercevoir que l’article le plus lu sur Internet est une reprise de dépêche AFP sur un aspect de l’affaire Trierweiler », a sourit Ariane Chemin, toutefois optimiste quant à cette nouvelle ère du journalisme. « Que ce soit à travers Mediapart ou Rue89, par exemple, on voit que l’arrivée d’autres formes de média ou d’écriture offre du renouveau dans le journalisme. »